AU LECTEUR.
L ‘Ouvrage que j’ai l’honneur de présenter au Public, parut la première fois à Paris en 1668. Sans le Privilège, que Louis XIV appelle depuis le Grand, y fit annexer, le nom de notre Auteur en aurait resté entièrement caché, tout comme l’Ouvrage même fut enseveli quelque temps après dans les Bibliothèques des Savants et des Connaisseurs de la Philosophie expérimentale. A calife de cela il fut ignoré et inconnu même en France et trop recherché chez nous. Mr Pott, célèbre Savant et excellent Chimiste, a fait des efforts inutiles pour en trouver feulement un Exemplaire, et feu Mr Henkel, ce grand Métallurgiste, à peine en pouvait-il trouver une mauvaise copie par la faveur de Mr Gros, Médecin du Roi à Paris.
Ayant lu, il le trouva digne d’être traduit en notre Langue, tant par rapport à l’importance de la Matière, qu’à la profonde connaissance dans la Science naturelle et la Philosophie. Il entreprit une traduction assez adroite, malgré les Obstacles qui se montrent à côté du manuscrit mauvais et à faute des autres Exemplaires.
Cependant il faut avouer qu’il a quelquefois trop outré la Traduction, pour ne pas porter atteinte au mérite de notre Auteur. Hé combien d’expressions omises, qui apparemment ne voulurent pas plier sous l’esprit métallurgique du Traducteur. Néanmoins l’autorité de celui-ci était suffisante pour lui procurer l’Approbation, de forte que la première impression en peu de temps fut achetée presque toute, et on se voit contraint de la faire réimprimer. Mais cette nouvelle édition, n’a rien de préférable, outre deux ou trois remarques qui ne sauraient intéresser personne, ou beaucoup contribuer à l’Eclaircissement du Texte. Il s y trouve beaucoup d’expressions fort intelligibles, traduites avec embarras, même les mots du Texte français ajoutés au bas de chaque page. Je passe sous silence le Commentaire que Mr Henkel a pris la peine d’y joindre, ainsi que les Expériences faites par l’illustre Hellot sur le Zink. Tout cet amas de réflexions purement mécaniques n’a presque rien de compatible avec l’excellence des faits dispersés par tout le livre, et qui témoignent le profond Génie de Respour, homme d’un vaste Esprit, et dont on peut dire ce que Phèdre dit d’Esope : — emuncae naris Natura nunquam verba cui potuit dare.
Quant à l’objet dont traite Respour, je ne disconviens pas qu’il ne mérite toute attention possible et qu’il ne soit digne de tant de recherches que de Grands hommes ont faites là-dessus. Il est seulement à plaindre que plusieurs de ces hommes savants n’ont pas épuisé le sens caché de cet Ouvrage, comme le prouvent leurs expériences faites avec toute droiture d’esprit. Le résultat même de leurs observations n’a jamais produit l’effet qu’on en attendait. Le peu de connaissance de ce corps métallique a certainement empêché les Chimistes d’entreprendre la recherche de cela jusqu’ici. C’est aussi la raison pourquoi peu de Chimistes ont écrit fur cette matière.
Il n’y a que Mr Chambon excellent Médecin, qui dans son traité des mines fait mention d’un livre intitulé, Rosa mineralis, où l’on doit trouver à ce qu’il assure quelques traces d’une médecine universelle tirée du Zink. Les fleurs de ce demi-métal sont connues selon leur rude préparation à tous les Chimistes sous le nom de Coton philosophique, Hellot, Homberg, Henkel, Pott, Marggraf, Lebmann l’Auteur anonyme ab Indagine, ci : une infinité d’autres ont fait tant d’essais sur cette substance métallique, sans toutefois en avoir déterminé l’usage propre pour les mixtes métalliques, tant recommandé par notre Auteur. La plupart des Savants croient que ce toit le Zinc que travaille Respour, mais je suis fort éloigné de me laisser persuader que le Zinc, dont l’Auteur nous enseigne quelques travaux secrets, soit ce connu Educt de nos foyers, qui a passé le feu. Au contraire j’ose soutenir que le Zinc antimonial, dont il parle, ne saurait être qu’un produit fourni tout crud par la nature, comme on a trouvé quelque semblable en Chine appelle Tutenage moula, suivant l’avis de Mr Grill, donné dans Wetensk, academiens handlingar XXVI. Vol. sous K. En laissant chacun à ses sentiments je serai satisfait, si je vois que le monde savant soit aisé d’avoir le contentement de lire l’Original ci-devant difficile à trouver. Et c’est par l’humanité de Mr Fourcy et Mr Dreux à Paris, tous deux connus par leur excellente érudition, qui ont bien voulu se donner la peine de procurer encore un Exemplaire de ce beau livre, devenu extrêmement rare, immédiatement après sa première impression. Je me suis donc déterminé d’en donner la nouvelle édition que voici. On n’y a rien changé si ce n’est l’Orthographe du temps jadis, de peur d’en blesser la délicatesse du goût de nos jours. Au reste comme Mr Hilscher n’a rien épargné pour donner à cette nouvelle Edition un lustre convenable aux rares qualités de l’Auteur et au mérite du livre, je me croirai suffisamment récompensé, pourvu qu’on ne désapprouve pas entièrement l’entreprise faite pour bien des amateurs de Science naturelle. Langen-falza le 2 6. Mars 1777.
D.Keller.
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